AAP. Décentrer la restitution [TERROIRS – NOUVELLE SÉRIE]

APPEL À CONTRIBUTIONS [TERROIRS – NOUVELLE SÉRIE]

 DÉCENTRER LA RESTITUTION –PERSPECTIVES AFRICAINES SUR LE RETOUR DES « CHOSES » 

Deadline propositions : 25 septembre 2025. Les auteur(e)s seront notifié(e)s le 10 octobre 2025. Les contributions acceptées doivent être finalisées pour le 31 janvier 2026 pour une publication prévue durant le premier semestre 2026. Les propositions et les contributions sont à envoyer à Parfait D. Akana (parfait.akana@muntu.media) et Pascal Ndjock (pascal_ndjock@yahoo.fr) avec une copie obligatoire à manuscripts@mip.cm

À l’ordre du jour des agendas politiques et médiatiques internationaux depuis quelques années, la question de la restitution des biens culturels africains spoliés pendant les siècles précédents continue d’être appréhendée majoritairement sous un prisme occidentalo-centré. Au cœur des échanges et discussions qui alimentent ce processus s’invitent des thématiques axées sur les cadres juridiques des pays détenteurs, leurs définitions de l’« objet d’art » ou de l’ « artefact », de même que sur l’universalité du musée de type occidental. Vecteurs de mémoire, d’identité, de spiritualité, voire de développement, les entités disputées se trouvent être aussi au centre de réalités complexes, de motivations et de dynamiques se déployant au sein des sociétés africaines, et qui sont méconnues dans leurs lieux d’exil. Pour saisir les enjeux multidimensionnels de la restitution, il semble donc impératif de décentrer la réflexion et l’enquête.

Alors que le discours dominant sur le sujet s’est souvent élaboré autour de la dichotomie simpliste entre « demandeurs » et « détenteurs », des pans entiers de la question ont été ignorés, négligeant au passage la multiplicité des acteurs, des revendications et des processus de réappropriation au sein des communautés de départ.

Cette polysémie que dégagent ces « choses » peine à être perçue et comprise par les catégories d’analyse à l’œuvre chez les muséologues et les historiens de l’art. Dans ce contexte, même leurs foncions rituelles, leurs valeurs sociales et leurs significations cosmogoniques sont ignorées. Le débat est davantage figé par l’argument aussi bien juridique et technique que conceptuel de l’« irrestituabilité » avancé par les « détenteurs » qui par le même coup minorent l’agence des sociétés africaines dans la gestion et la valorisation de leur patrimoine. Il  devient  par  conséquent  pertinent  de  procéder  à  un  décentrement épistémologique pouvant permettre d’interroger les fondements mêmes des différentes catégories et de ces arguments.

Le présent appel à contributions, qui fait suite aux Ateliers Retours (1) tenus au Cameroun en 20231, se propose d’inverser la focale et de donner plus de considération aux perspectives africaines. En analysant les mobilisations citoyennes, les initiatives artistiques, les stratégies étatiques et les pratiques communautaires qui façonnent le retour des patrimoines, nous entendons explorer la manière dont la question de la restitution est vécue, débattue et mise en œuvre sur le continent. Dans des contextes post coloniaux où les Etats, souvent fragiles et confrontés à des défis socio-économiques, cherchent des leviers de consensus et de valorisation, l’hypothèse que la restitution puisse servir de moteur au développement du tourisme trouve toute sa pertinence. Il s’agit dès lors d’analyser la manière dont ces « choses » – objets de culte, symboles de pouvoir ou simples artefacts – sont réinvesties de sens, réintégrées dans les pratiques sociales, et parfois considérées comme de potentielles ressources économiques et touristiques.

Les chercheurs, les professionnels du patrimoine et du tourisme, les artistes, les activistes et les acteurs de la société civiles sont invités à soumettre des propositions de contributions (articles de recherche, études de cas, essais critiques) s’inscrivant dans l’un des axes suivants :

  • Les choses dans le soin Le retour des choses suppose des formes d’habiter les lieux qui sont restaurées, des failles qui sont comblées. C’est un objectif de soin qui vise à réparer, à souder ce qui, du fait de l’absence de la chose, a constitué un point de départ à savoir une extension du champ étiologique corrélée à de nouvelles formes d’anomie. De ce qui précède, on peut déjà esquisser, en raison du lieu, une grammaire du soin dans une communauté et le rôle que les choses y jouent en constituant, c’est par exemple le cas de Ngonso volée par Kurt von Pavel en 1903. Le « lien normatif » (Axel Honneth) qui permet non seulement d’intégrer et de faire fonctionner les membres de la communauté, mais aussi de les dignifier. Les choses constituent le support anthropologique et moral de la vie sociale qui est organisée à partir d’elles. Elles permettent d’instituer un ensemble de principes normatifs, un ordre du monde avec sa philosophie et des relations de reconnaissance qui garantissent le soin, permettent de réparer les sujets et les dignifient (au travers des rituels) d’abord à leurs propres yeux. Or, observe par exemple Axel Honneth : « La disparition de ces relations de reconnaissance débouche sur des expériences de mépris et d’humiliation qui ne peuvent être sans conséquences pour la formation de l’identité de l’individu. » (2004 :134). C’est notamment le cas de l’entreprise coloniale et de ses multiples dépossessions. Le présent axe, de ce qui précède, explorera et documentera, dans une perspective empirique et critique, la présence et l’absence des choses dans le soin, entendu ici de manière exhaustive.
  • Résistances, désintérêt pour la restitution et dérives associées : cet axe invite à déconstruire l’image unanimiste que semble véhiculer le débat sur la restitution dans les pays africains. Il s’agit d’explorer les désintérêts et les freins internes au processus pour mettre en lumière l’émergence d’acteurs et d’intermédiaires, qui exploitent le contexte pour mobiliser des financements à des fins pas clairement énoncées.
  • Mobilisations collectives et (re)construction identitaire : dans quelle mesure la perspective du retour des « choses » suscite-t-elle des dynamiques de mobilisation collective, tout en contribuant à la (re)configuration des identités locales ?
  • Processus de réappropriation et de resignification des « choses » retournées – On sait, comme l’analysent Felwine Sarr et Bénédicte Savoy lorsqu’ils abordent la question des translocations et des transformations des œuvres que : « Une fois déplacés, les objets sont passés par divers processus et épreuves de re-sémantisations successives, et ont connu une surimposition de plusieurs couches de signification. » (Sarr, Savoy, 2018). Mais, dans le contexte des restitutions, dans quelle mesure les pratiques rituelles, la transmission des savoirs endogènes et les structures sociales locales sont-elles transformées par le retour ? Cette transformation s’inscrit- elle dans la perspective d’un dialogue ou d’une rupture avec leur précédent statut de « fétiches de musées » en Occident ? Quelles sont au sein des communautés d’origines, les modalités de réappropriation matérielle et symbolique des « choses » retournées ?
  • Restitutions en contextes de conflits armés et post-conflits : il s’agit d’analyser la complexité et la singularité de la problématique dans les zones en crise, afin d’explorer non seulement la manière dont la violence peut affecter la traçabilité et la protection du patrimoine, mais aussi les enjeux du retour des « Choses » dans ces territoires.
  • Entre économies et imaginaires du tourisme patrimonial : Comment les économies du tourisme et les imaginaires touristiques impactent-ils la mise en scène et la narration des objets retournés ? Quelles tensions émergent entre l’authenticité proclamée des objets et la mise en marché (commercialisation) du sens culturel originel ? Il s’agit ici d’explorer les enjeux socio-économiques, culturels et politiques de cette patrimonialisation touristique, en revisitant les stratégies des Etats, des communautés et des autres acteurs impliqués.
  • Les transactions énonciatives dans le champ du retour : Cet axe part de l’idée selon laquelle le retour des choses constitue un champ, c’est-à-dire un espace symbolique caractérisé par des règles propres avec des forces qui mènent une compétition basée sur l’appropriation ou la réappropriation d’objets du patrimoine culturel Il propose de recueillir et d’analyser, à partir des pays africains, les transactions énonciatives dans le champ du retour en tant que celles-ci permettent de penser, dans une perspective relationnelle où se trouvent articulées l’histoire, la race et la politique, la question du retour des choses. Une attention particulière sera accordée aux textes puisant dans le corpus des récits médiatiques (nouveaux médias et médias classiques), des travaux d’expert(e)s, des déclarations publiques de gouvernant(e)s, de documents normatifs, etc.

Les contributions s’appuyant sur des études de cas précis (notamment Bénin, Cameroun, Mali, Sénégal), des analyses comparatives, des approches interdisciplinaires et des méthodologies innovantes, sont particulièrement encouragées.

Les propositions de contribution (avec titre et résumé d’environ 700 mots, incluant une indication des cadres théoriques et méthodologiques mobilisés) sont à soumettre au plus tard le 10 septembre 2025. Les auteur(e)s seront notifié(e)s le 10 octobre 2025. Les contributions acceptées doivent être finalisées pour le 31 janvier 2026 pour une publication prévue durant le premier semestre 2026. Les propositions et les contributions sont à envoyer à Parfait D. Akana (parfait.akana@muntu.media) et Pascal Ndjock (pascal_ndjock@yahoo.fr) avec une copie obligatoire à manuscripts@mip.cm

Bibliographie

  • COUSIN, S., DOQUET, A. et GALITZINE-LOUMPET, A., Retours des restitutions, Cahiers d’études africaines, n°251-252.
  • HONNETH, A. (2004). La théorie de la reconnaissance : une esquisse. Revue du MAUSS, N° 23(1), 133-136. https://doi.org/10.3917/rdm.023.0133.
  • SARR, , SAVOY, B., Restituer le patrimoine africain, Philippe Rey/Seuil, 2018, 188 p.

RECOMMANDATIONS AUX AUTEUR(E)S

  • Police Times New Roman, 12 points (pour le texte, y compris les titres) ; interligne 1,5. 8.000 à 12.000 mots (références comprises).
  • CITATIONS : les citations sur plus de trois lignes sont rassemblées (Times New Roman, 10 points avec retrait de 1 pt à droite).
  • NOTES ET RÉFÉRENCES : Nous recommandons l’utilisation des notes de fin de chapitre/article. De même, la bibliographie ou la liste de références est disposée à la fin de chaque chapitre/article, immédiatement après les Réservez exclusivement les notes aux explications qui développent une idée ou commentent une citation, dans le cas où elles risqueraient de déséquilibrer le corps de texte. Quand vous donnez des références, ayez recours au système Harvard (auteur-date). Vous mentionnez, entre parenthèses, le nom de l’auteur.e, la date de publication et la page de référence à la suite de la citation, ex : « This article seeks to interrogate the issue of youth agency and the instrumentality of social media in the mobilization and organization of the protests. » (Akor 2017 : 109). Nous vous invitons à séparer, à l’aide d’un point-virgule, les publications écrites par différents auteurs (Akor 2017 ; Ombati 2017) ; d’une virgule, les différentes publications d’un même auteur (Eboussi 1997, 1999). Dans la liste des références ou la bibliographie, tous les travaux cités dans le texte doivent être mentionnés. Pour deux ou plusieurs textes écrits par un auteur dans la même année, différenciez-les en utilisant des lettres alphabétiques (ex : Mokua 2013a, 2013b, etc.).
  1. 1 Les Ateliers Retours se sont tenus du 22 au 27 mai 2023 à Yaoundé et à Bandjoun. L’ANR ReTours est un programme de recherche collaboratif et pluridisciplinaire regroupant des chercheurs de différentes institutions et pays d’Afrique et d’Europe.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
coordination (9 août 2025). AAP. Décentrer la restitution [TERROIRS – NOUVELLE SÉRIE]. RETOURS & RESTITUTIONS. GEOPOLITIQUES, ECONOMIES ET IMAGINAIRES DE LA RESTITUTION. Consulté le 9 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14gy5


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